Passage sans trace

Par Maquisard Acoustique.

Assis à l’abri du couvert végétal, je profite des derniers instants de fraîcheur du matin.

Dans quelques minutes le soleil d’été aura rendu le site à sa chaleur coutumière.

Des réflexions désordonnées me viennent à l’esprit, et tout à l’apaisement je chantonne et me dis : « Sans électricité quelle musique nous reste-t-il ? »

Celle que la nature peut nous jouer et bien évidemment celle que nous produisons nous mêmes.

Sur les pentes du mont Camping inondées de lumière méditerranéenne, il y a déjà le chant des cigales, des premières chaleurs matinales jusqu’au coucher du soleil, les voici qui s’activent.

Qu’ajouter à ce bourdon si particulier, à ce frétillement d’ailes permanent qui berce les résidents de la colline ?

J’ai avec moi une petite guitare de laquelle je tire régulièrement ce que j’appelle : « ma musique de poche », c’est une musique de repos, pâte d’amande mélancolique, tisane sonore méditative, les morceaux y sont courts, intuitifs, presque timides. Ils apparaissent sans prévenir et disparaissent aussi rapidement qu’ils sont venus.

Un baladeur enregistreur en a capté quelques-uns et les a du coup rendus moins éphémères. Je fredonne leurs mélodies encore incertaines, tandis que mes doigts se promènent hésitants sur les cordes de la guitare.

Plus tard, je me déplace sur la pente avec réserve. Le balancement de la marche me berce et m’aide à déployer mes pensées. Je m’installe mentalement sur ce territoire qui finit par devenir familier.

Bien qu’étant limousin, j’ai toujours éprouvé une certaine attirance pour l’univers méditerranéen, cette attirance je ne me l’explique pas d’ailleurs. Longtemps j’ai considéré la Grèce par exemple comme un pays qui serait idyllique pour moi, je n’ai pas pour autant cherché à m’y rendre, je crois que cette idée d’un refuge possible me suffisait, je me contentais d’en recueillir les embruns : le rembetika, la voix de Vasisili Tsitsanis et de Mélina Mercouri, la poésie de Manos Hadjidakis…

Par quelle combinatoire ce paysage et ses correspondances culturelles m’attirent-t-ils aujourd’hui ? Nul doute que j’y ai projeté des choses d’une réalité improbable, mais qu’importe après tout…

Dans l’immédiat je me dis qu’une vision globale du site m’aiderait à en comprendre la disposition. Je me presse vers le sommet et ses hauteurs raisonnables, le regard pourra y apprécier la topographie environnante et l’esprit émettre quelques considérations d’ordre stratégique. Pendant l’ascension ni les chênes-lièges écorchés par la main de l’homme et dont les chaires à vif balisent le sentier, ni plus haut les arbousiers tout occupés à la préparation de leurs fruits d’automne ne semblent s’inquiéter de ma présence.

Le chemin est sec, des brindilles indolentes craquent parfois sous mes pas, tout semble se languir de l’eau à part peut-être les êtres humains, repus et blasés qu’ils sont de toutes choses, y compris des plus essentielles.

Je gagnerais bien volontiers ce maquis, si je n’étais pas le produit de cette époque d’artifices qui a fait de moi un maladroit dans le monde.

Combien sont-ils à se cacher ici, animaux, insectes, espèces végétales endémiques ou réfugiées, la plupart ont probablement bien conscience des dangers qui les guettent.

Ne vous inquiétez pas, je rendrai ma présence aussi discrète que possible.

N’ayez pas peur, je ne laisserai aucune empreinte. Soyez sans crainte mes amis, je ferai de mon passage, un passage sans trace…

 

LA VOIX DES SIRENES

La Chamberonie
24750 MARSANEIX

FRANCE

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